Une étude suggère que la hausse du risque de cancer associé à un apport élevé en fructose est causée par une surproduction par le foie de lipides utilisés par les cellules cancéreuses pour leur croissance.
En raison des effets bien documentés de l’excès de sucre sur la hausse du risque d’obésité et de plusieurs maladies cardiométaboliques, l’Organisation mondiale de la Santé recommande de limiter la consommation de sucres libres à moins de 10% de l’apport énergétique quotidien, ce qui correspond à environ 30 g ou 7 cubes de sucre.
Cette recommandation demeure malheureusement peu suivie: au Canada, par exemple, la consommation d’aliments riches en sucres libres (boissons sucrées, collations, desserts et pâtisseries, en particulier) est très élevée et mène à un apport moyen supérieur à 100 g de sucres libres par jour, soit plus de trois fois la quantité maximale suggérée.
Fructose et glucose, deux sucres très différents
Les deux principales formes de sucres libres consommés sont le sucrose et le sirop de maïs enrichi en fructose (high fructose corn syrup ou HFCS).
Les deux sont constitués d’un mélange de glucose et de fructose, mais dans des proportions différentes: alors que le sucrose est formé de 50% de glucose et 50% de fructose, le HFCS contient plutôt 45% de glucose et 55% de fructose.
Puisque le fructose a un goût plus sucré que celui du glucose et est moins dispendieux que ce dernier, le HFCS est très souvent utilisé dans la fabrication des aliments industriels, les boissons sucrées notamment.
Même si le glucose et le fructose ont la même formule chimique (C6H12O6), ils ont des structures très différentes qui influencent grandement la façon dont ils sont métabolisés.
Alors que le glucose est facilement absorbé par l’intestin et transporté dans le sang pour être utilisé comme source d’énergie par l’ensemble des cellules du corps, le fructose est, quant à lui, surtout accumulé au niveau du foie, où il est transformé en graisse.
En cas d’apport démesuré en nourriture, comme c’est le cas chez les personnes obèses, la quantité de graisse au niveau du foie devient trop élevée et peut causer une stéatose hépatique (c’est ce principe qui est à l’œuvre lorsque les oiseaux sont gavés avec un aliment riche en fructose [le maïs, par exemple] pour produire du foie gras).
Cette accumulation anormale de graisse hépatique est très inflammatoire et peut augmenter les risques de maladies du foie, de diabète de type 2 et d’hypertension.
Un coup de pouce aux cellules cancéreuses
On a souvent rapporté que le fructose était cancérigène chez les animaux de laboratoire, mais cet effet demeurait mystérieux étant donné que:
1) plus de 95% du fructose ingéré n’atteint pas la circulation sanguine et ne peut donc servir de source d’énergie pour les cellules cancéreuses;
2) la plupart des cellules cancéreuses ne possèdent pas les enzymes nécessaires pour utiliser le fructose comme carburant pour soutenir leur croissance.
Étonnamment, une étude récente suggère que c’est plutôt la surproduction de graisse au niveau du foie en réponse à un excès de fructose qui serait responsable de cet effet procancéreux. (1)
Les chercheurs ont observé que l’addition à l’alimentation d’un excès de fructose (sous forme de sirop de maïs) provoquait une hausse très importante des taux sanguins d’une classe d’acides gras (lysophosphatidylcholines) qui sont utilisés par la suite par les cellules cancéreuses pour fabriquer les membranes cellulaires indispensables à leur croissance.
Autrement dit, même en n’ayant aucune interaction directe avec les cellules cancéreuses, le fructose parvient tout de même à participer activement à la progression du cancer en raison des perturbations métaboliques qu’il provoque au niveau du foie.
Réduire l’apport en sucres ajoutés n’est donc pas seulement une bonne façon de maintenir un poids corporel normal, mais aussi d’éviter de créer des conditions propices au développement du cancer.
Lire attentivement les étiquettes des produits alimentaires d’origine industrielle est donc un aspect important de la prévention des maladies chroniques.
(1) Fowle-Grider R et coll. Dietary fructose enhances tumour growth indirectly via interorgan lipid transfer. Nature 2024; 636: 737-744.