Les femmes préménopausées sont plus susceptibles que les hommes de développer certains cancers, notamment le mélanome. Une étude suggère que certains mécanismes moléculaires activés par les estrogènes pourraient représenter une nouvelle cible thérapeutique pour le traitement de ces cancers.
On crédite souvent la créatrice de mode Coco Chanel d’avoir été une des premières personnalités en vue à populariser le bronzage durant les années 1920. Son influence a fait en sorte qu’en quelques années à peine, une peau bronzée est passée d’un signe de vulgarité à un symbole de richesse, de beauté et de santé, qui permettait de se distinguer des personnes ordinaires et pauvres, esclaves de leur travail à l’intérieur, et donc, de teint pâle.
Cent ans plus tard, il est maintenant bien établi que cette mode du bronzage était vraiment une très mauvaise idée: l’exposition régulière et intense au soleil, surtout lorsqu’elle s’accompagne d’érythèmes solaires (coups de soleil) à répétition, représente le principal facteur de risque de mélanome, le plus dangereux de tous les cancers de la peau.
Jeunes femmes à risque
Une étude récente montre que cela est particulièrement vrai pour les jeunes femmes(1).
En comparant l’incidence de plusieurs types de cancers qui touchent les deux sexes (excluant les cancers des systèmes reproducteurs), une équipe de chercheurs français vient de montrer que l’incidence de mélanome est deux fois plus élevée chez les femmes âgées de 15 à 55 ans que chez les hommes du même âge.
Puisque cet intervalle correspond à la période où les taux d’estrogènes sont les plus élevés chez les femmes, il est donc très probable que ces hormones influencent le développement du mélanome. En ce sens, d’autres études ont noté que l’incidence du mélanome est augmentée chez les femmes enceintes, une période où les taux d’estrogènes sont particulièrement élevés(2).
Perte de contact
L’examen d’une base de données qui a répertorié l’expression de différents gènes dans les mélanomes humains montre une diminution spectaculaire d’une protéine spécifique, la E-cadhérine, dans les échantillons provenant des tumeurs prélevées chez les femmes de moins de 50 ans.
Cette protéine est considérée comme un suppresseur de tumeur, car elle favorise une interaction forte entre les cellules qui empêche les cellules anormales de se détacher d’un tissu et de former des tumeurs agressives.
Une analyse biochimique plus poussée suggère que la perte de E-cadhérine pourrait jouer un rôle très important dans le développement des mélanomes touchant préférentiellement les jeunes femmes.
Les mécanismes moléculaires en cause sont très compliqués, mais disons que l’activation du récepteur à l’estradiol (le principal estrogène) empêche la production de la E-cadhérine en stimulant la production d’une protéine connue pour favoriser le développement de formes agressives de cancers, la GRPR (gastrin-releasing peptide receptor). C’est donc la combinaison de niveaux élevés de GRPR et de niveaux très faibles de E-cadhérine causée par les estrogènes qui expliquerait pourquoi les femmes préménopausées risquent plus de développer un mélanome.
Améliorer l’immunothérapie
Il est important de noter que les femmes plus jeunes sont non seulement plus susceptibles d’être atteintes d’un mélanome, mais elles répondent également moins bien que les personnes plus âgées ou de sexe masculin aux médicaments d’immunothérapie actuellement utilisés contre ces cancers.
L’utilisation de médicaments qui bloquent spécifiquement le récepteur à l’estradiol (déjà disponibles) et/ou le récepteur GRPR (en cours de développement) pourrait donc représenter une nouvelle stratégie intéressante pour surmonter la résistance au traitement chez ces patientes.
En attendant, la meilleure protection contre le mélanome demeure de limiter les expositions excessives au soleil qui brûlent la peau et haussent drastiquement le risque de ce cancer. Quelques minutes d’exposition occasionnelle des mains, du visage et des bras au soleil en été sont amplement suffisantes pour maintenir les taux de vitamine D à des taux optimaux, sans courir de risques pour la santé.
(1) Raymond JH et coll. Targeting GRPR for sex hormone-dependent cancer after loss of E-cadherin. Nature, publié le 11 juin 2025.
(2) Lee YY et coll. Incidence and outcomes of pregnancy-associated cancer in Australia, 1994-2008: a population-based linkage study. BJOG 2012; 119: 1572-82.