Charles Bertrand: le combat d’une vie contre l’hyperphagie



Le poids, c’est rarement qu’une histoire de chiffres. Il raconte une histoire, un vécu, sa relation complexe avec la nourriture, qui prend racine dès l’enfance.

Dans ce témoignage touchant, découvrez le parcours de Charles Bertrand, un homme sensible qui vit avec un trouble de comportement alimentaire. Il nous raconte avec franchise les victoires, les rechutes, et s’ouvre sur les outils qu’il a appris à utiliser pour se relever. Une histoire d’endurance, de résilience et d’espoir, qui illustre à quel point le chemin vers une relation apaisée avec la nourriture peut être long et difficile.

Charles, quelle est ton histoire de poids?

J’ai toujours eu un problème de poids, à la fin de la cinquième secondaire, je pesais 275 livres. J’ai grandi dans un HLM, je n’ai pas manqué d’amour, mais notre situation financière était très précaire, nous n’avions pas d’extra, même si cela provenait du Dollarama. Pour nous récompenser, ma mère nous servait parfois un bol de chips. Pendant toute mon enfance, la façon de célébrer une réussite, c’était avec une barre de chocolat ou un bol de chips. Peu à peu, mon cerveau a associé les aliments réconfortants à la notion de récompense. Une fois adulte, j’avais les moyens de m’offrir ces «récompenses» tous les jours… même quand il n’y avait rien à célébrer.

• Regardez aussi ce podcast vidéo tiré de l’émission de Isabelle Perron, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

En 2017, tu t’es inscrit pour l’audition de l’émission Maigrir pour gagner, quelle a été l’influence de ce parcours sur ton poids?

Je n’ai pas été sélectionné pour l’émission, mais l’animatrice, Chantal Lacroix, a lancé le défi aux candidats qui ont participé à l’audition de faire le parcours par eux-mêmes et proposé que tous se retrouvent lors de grands rassemblements une fois par mois afin de voir l’évolution de chaque participant. Nous n’avions pas accès à la nutritionniste et aux entraîneurs comme ceux qui participaient au show télé, donc on devait prendre nos propres ressources. J’étais alors à 350 lb pour une taille de 5 pi 11 po. J’avais essayé maintes fois de perdre du poids, mais j’avais cette fois la motivation de le faire. J’ai perdu 155 lb en neuf mois et, à la fin de l’émission, c’est moi qui avais perdu le plus grand pourcentage de poids corporel, soit 45%.

Quelle a été la recette pour atteindre cet objectif?

J’ai consulté une psychologue, elle a posé mon diagnostic d’hyperphagie boulimique. En d’autres mots, je mangeais mes émotions. Je souffrais de compulsions alimentaires. J’ai aussi engagé un entraîneur privé, je m’entraînais quatre à cinq fois par semaine. Mon plus grand travail a été sur mon trouble alimentaire. J’avais constamment des pensées obsédantes par rapport à la nourriture. J’ai cessé de manger des éléments déclencheurs en solo (des friandises glacées, du chocolat, des jujubes, du resto pour emporter). Avant l’émission, je ne sortais jamais de chez moi sans un sac à dos pour pouvoir acheter des bonbons et les rapporter chez moi sans être vu par les gens qui habitaient avec moi, je les dévorais ensuite quand j’étais dans ma chambre à l’abri du regard des autres. Maintenant, si je mange des aliments qui sont difficiles pour moi, c’est toujours en présence de quelqu’un, ainsi c’est plus facile d’être modéré dans ma consommation. Je notais aussi chaque jour ce que je mangeais; durant l’émission, je mangeais 1500 calories par jour. J’ai cessé de manger entre les repas et surtout pas en soirée, qui était un moment de fragilité.

La pandémie a été difficile pour toi?

Vraiment, j’ai repris 100 lb. L’isolement a été très difficile. Je suis retombé dans mon trouble alimentaire. J’ai dû retourner consulter ma psy, j’ai besoin de soutien, d’encadrement, c’est le combat de ma vie. J’ai réussi à reperdre 50 lb. Mon poids oscille maintenant autour de 230-250 lb.

Aujourd’hui, quelles sont tes habitudes?

Je ne calcule plus mes calories, c’est devenu naturel pour moi. Je sais ce que représente une assiette normale et qu’elle fait environ 600 calories. Je mange donc trois repas par jour, pour environ 1800 calories au quotidien. Même si j’ai déjà couru un demi-marathon, je ne suis pas un grand sportif. Je m’entraîne sur un trampoline une fois par semaine. J’aimerais atteindre 220 lb, mais le plus important est de travailler ma relation avec les aliments, et je suis conscient que les 100 lb de moins que j’ai aujourd’hui, c’est très bénéfique pour ma santé. J’ai encore des compulsions (environ une par semaine), mais elles sont moins nombreuses qu’avant.

Ton plus grand défi aujourd’hui?

Faire l’épicerie est toujours une grande torture pour moi. Je suis attiré par des friandises, des biscuits, j’en développe des pensées obsédantes. Je sais que je vais vivre avec mon trouble alimentaire toute ma vie, je dois apprendre à vivre avec. C’est très difficile pour moi de ressentir la satiété également. Atteindre et maintenir son poids, c’est à la fois la chose la plus facile et la plus difficile de ma vie.

Quels outils as-tu mis en place pour améliorer ta relation avec les aliments?

Je rationalise mes pensées obsédantes, j’enlève la culpabilité liée à ce genre de pensées pour des aliments. Je tente de nommer ce que je ressens; la fatigue et l’ennui sont souvent des déclencheurs. Si c’est la fatigue, je vais me coucher plus tôt au lieu de tourner autour du garde-manger. La nourriture est encore une récompense pour moi, même dans les moments heureux, les émotions positives, j’ai envie de manger certains aliments. Je me permets à l’occasion des gâteries comme des chips, mais j’achète le plus petit format; il revient plus cher, mais je termine le sac et c’est tout, je serais encore trop fragile pour avoir le grand sac chez moi. Comme le soir est la période la plus difficile de la journée, je me tiens occupé: pratique de théâtre le lundi, animateur de quizz le mardi, improvisation le mercredi… Je sors de la maison et cela est facilitant pour ne pas succomber.

Pour écouter Charles au micro de Isabelle Perron, c’est ici:

Vous vous retrouvez dans le parcours de Charles? Sachez qu’ANEB (Anorexie et Boulimie Québec) offre des ressources gratuites, dont une ligne d’écoute et des groupes de soutien: anebquebec.com/


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