Une chirurgienne de Montréal, guidée en direct par un médecin en Pologne, a installé le tout premier anneau aortique sur le cœur d’un patient québécois: une chirurgie qui ouvre la porte à une nouvelle option de traitement pour les anomalies cardiaques.
«Ça a été un succès. C’est un outil supplémentaire dans notre coffre à outils qui nous aide, nous les chirurgiens cardiaques, à mieux traiter nos patients», affirme la Dre Jessica Forcillo, chirurgienne cardiaque et chercheuse au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM).
L’opération, qui a duré environ une heure, a eu lieu le vendredi 9 août dernier.
Son patient, Erick Richard, est né avec une malformation congénitale au cœur. Il a une valve aortique bicuspide, c’est-à-dire qu’au lieu de s’ouvrir en trois parties qui peuvent ensuite se sceller ensemble, sa valve ne comportait que deux feuillets – appelés des cuspides – pour contrôler le flux sanguin.
Cela faisait en sorte que sa valve se détériorait plus rapidement que la normale tandis que son sang, qui doit normalement se diriger vers l’aorte, revenait dans son ventricule.
Celui-ci commençait à se dilater par cette surcharge de volume, causant des dommages cardiaques.
Environ 2% de la population naît avec cette anomalie.
C’est après avoir eu un premier symptôme en octobre 2023 que son infirmière praticienne spécialisée lui découvre un souffle au cœur.
«Ça n’avait jamais été détecté auparavant», raconte M. Richard, âgé de 49 ans.
«C’est de l’art»
La Dre Forcillo lui propose donc différentes approches «plus standardisées», dont l’installation d’une valve aortique mécanique, qui nécessite cependant la prise d’un anticoagulant à vie.
La deuxième option, nommée la procédure de Ross, consistait à remplacer la valve défectueuse par la valve pulmonaire.
Une troisième option s’est finalement présentée au patient: un anneau aortique, utilisé aux États-Unis et en Europe depuis une dizaine d’années. L’outil, installé sous la valve et les feuillets, permet de faciliter la réparation de la valve.
«C’est de l’art. C’est ça qui est le fun dans cette procédure moins standard, c’est de recréer une surface de cohabitation pour la valve aortique. Le patient peut garder sa valve native et le chirurgien fait des techniques de réparation autour de l’anneau pour que la valve redevienne compétente», avance la Dre Forcillo.
L’installation de l’anneau sur M. Richard était la deuxième opération du genre au Canada, la première ayant été exécutée en Alberta deux mois plus tôt.
Assistée «en direct»
La Dre Forcillo n’avait jamais utilisé l’anneau.
La chirurgienne a donc été formée avant le jour J, et dans la salle d’opération, une caméra était installée pour lui permettre d’être guidée par un médecin de la Pologne.
«La caméra lui permettait de nous voir en direct et de faire ses commentaires. C’est rassurant pour le patient et pour les chirurgiens qui font ce genre de procédure pour la première fois», explique cette dernière.
La Dre Forcillo devra faire la procédure avec le nouvel anneau à deux autres reprises, supervisée par le fabricant de l’outil, avant de pouvoir la faire indépendamment.
«On pourra montrer la procédure à d’autres chirurgiens. C’est ça la richesse. C’est intéressant pour l’éducation et l’innovation au CHUM. On veut aussi partager à l’international», ajoute-t-elle.
Le patient, lui, s’est dit «très content» d’avoir pu bénéficier de l’anneau. Il devra maintenant être suivi pour voir l’évolution de cette nouvelle technologie.
«On verra dans le futur si ça va nécessiter une réintervention. On se croise les doigts que cette réparation dure le plus longtemps possible. Si c’est le cas, que l’anneau permet de stabiliser pour prévenir une dilatation future, M. Richard va être complètement gagnant», soutient-elle.